COLLECTIVITÉS LOCALES ET QUESTIONS D’ASSAINISSEMENT Par Mamadou Aliou Barry

La décentralisation est une notion aux contours aisément palpables, sa concrétisation par contre révèle une multitude de facettes liées non seulement à la faible compréhension par ses acteurs principaux que sont les élus locaux, des rôles et responsabilités dévolus à l’État et celui des collectivités, que de la maîtrise des mécanismes de sa conception et de son suivi, mais surtout de la diversité et de la complexité des contextes de sa mise en œuvre (en milieu urbain ou rural). Le dialogue sur la décentralisation inclus une nécessité de clarifier les caractéristiques de la notion et la diversité de ses expressions, aussi bien dans le temps que d’un point de vue géographique, mais elle revient aussi à clarifier l’essence du type et de la nature de l’État qui en donne le quitus : État fédéral, État unitaire, régime parlementaire ou encore monarchie constitutionnelle etc.

Le processus de transfert fonctionnel des compétences administratives et territoriales de l’État vers des entités (appelées des collectivités locales) distinctes de lui et qui sont dotées de la personnalité juridique morale, de l’autonomie financière dont l’exercice se matérialise à travers des personnes physiques élues, connues sous le nom de conseillers communaux, constitue ce qu’on appelle La décentralisation.

Le Discours Programme du 22 Décembre 1985 du Président de la République, Président du Comité Militaire de Redressement National (CMRN) Gl Lansana CONTÉ a jeté les véritables bases de la décentralisation en Guinée qui consiste à responsabiliser les citoyens dans la gestion de leurs territoires, « Nous faisons le choix d’une société fondée sur les solidarités naturelles mises au service du développement. Renforcer ces solidarités naturelles là où elles existent encore, c’est l’objet de la décentralisation ». En vue de rendre effective cette volonté politique, dans les années 90, plusieurs textes réglementaires et législatifs ont vu le jour, et ce sont :

  • L’ordonnance n° 004/PRG/89 du 5 janvier 1989 portant délimitation de la Ville et les Communes de Conakry ;
  • L’ordonnance n° 019/PRG/SGG/90 du 21 avril 1990 portant organisation et fonctionnement des communes en République de Guinée ;
  • L’ordonnance n° 091/PRG/SGG/90 du 22 octobre 1990 portant régime financier et fiscal des CRD en République de Guinée ;
  • L’ordonnance n° 092/PRG/SGG/90 du 22 octobre 1990 portant organisation et fonctionnement des CRD en République de Guinée ;
  • N° 91/034/PRG/SGG du 3 août 1991 portant création des 33 Communes de l’intérieur en République de Guinée ;
  • L’ordonnance n° 048/PRG/SGG du 9 décembre 1991 rectifiant l’article 51 de l’ordonnance N°2/PRG/SGG/90 fixant l’organisation et le fonctionnement des CRD en République de Guinée.

C’est la création et la mise en place des premières générations de collectivités locales de Guinée (CRD – Communautés Rurales Décentralisées, qui deviendront plus tard Communautés Rurales de Développement et Communes Urbaines) dotées de personnalité juridique et d’autonomie de gestion. Ces collectivités locales sont administrées par des conseillers élus (Maires et Adjoints).

Dans le même ordre d’idées, et poursuivant le renforcement du transfert de certaines compétences de l’État vers les communes (urbaines et rurales), la première version du Code des Collectivités Locales est promulguée le 15 Mai 2006, elle traduit concrètement la vision développée dans le discours d’investiture du Chef de l’État qui, s’adressant à la nation le 19 Janvier 2003 a recommandé : « l’approfondissement de la décentralisation en donnant plus de pouvoirs et de moyens aux collectivités locales». Le Chef de l’État à travers cet énième discours, interpelle les autorités chargées de la mise en œuvre de la décentralisation, donc le MATD à davantage ajuster, voire adapter les appareils et les mécanismes de gestion décentralisée dans l’optique d’un développement harmonieux qui prendrait en compte les problèmes prioritaires de développement : MAIS AU NIVEAU LOCAL ET PAS DANS UN BUREAU.

Afin de redynamiser la décentralisation et ses préposés, la Loi ordinaire L/2017/040/AN du 24 Février 2017 portant Code Révisé des Collectivités Locales de la République de Guinée voit le jour après plus de 3 ans de corrections. L’article 29 de ce nouvel instrument juridique au bénéfice des collectivités locales, consacre 14 volets de compétences propres aux collectivités de la République de Guinée. Au nombre ces de compétences, l’assainissement occupe une place prioritaire au regard de la situation démographique galopante et pire des questions foncières que traverse le pays globalement, par ricochet les communes.

Fermons ce chapitre avec : l’approbation par décret N°042/PRG/SGG du 28 mars 2012 de la Lettre de politique nationale, de décentralisation et de développement local (LPN-DDL) qui promeut un système de gouvernance locale efficace et partagé, qui se caractérise par la responsabilisation citoyenne, la transparence, et la participation des populations à la gestion des affaires publiques locales.

Comment les communes de Guinée sont-elles censées gérer la question de l’assainissement collectif ou non de leur circonscription territoriale ?

1 – De la création, organisation, structuration et du fonctionnement d’un Service Public Communal : cette partie nous ramènera au texte juridique encadrant l’organisation et le fonctionnement interne des collectivités locales en Guinée.
Titre III : Administration et Services des Collectivités Locales
Chapitre II : Gestion des Services de l’Administration des Collectivités Locales
Section I : Dispositions Générales
Article 220 :
Les services de l’administration locale sont constitués de l’ensemble des organes et des personnels sous le contrôle de l’autorité exécutive locale pour l’assister dans la réalisation des missions de la Collectivité.
Les Services de l’Administration Locale comprennent des services administratifs et des services techniques.
Les services administratifs locaux sont ceux dont les tâches consistent principalement à apporter un support à l’autorité exécutive locale dans la gestion des affaires de la Collectivité.
Les services techniques locaux sont ceux dont les tâches consistent principalement à produire et à livrer les services destinés à la population locale et qui sont sous la responsabilité de la Collectivité.

Section II : Création, Organisation, Attributions et Suppressions des Services Administratifs Locaux
Article 222 :
Les services administratifs locaux sont créés et organisés par Décision du Conseil de la Collectivité dans les limites de leurs possibilités financières après approbation de l’autorité de tutelle.
Le Conseil de la Collectivité Locale peut en tout temps par Décision modifier ou supprimer un service administratif local après approbation de l’autorité de tutelle.
L’exercice des pouvoirs de création, de modification et de suppression des services administratifs locaux ne doit pas avoir pour effet de soustraire la collectivité à ses obligations légales et réglementaires.
Les pouvoirs de modification et de suppression des services administratifs locaux doivent s’exercer conformément aux dispositions de toute convention collective conformément aux dispositions de toute convention collective conformément aux dispositions du Code de Travail, selon le cas.

Article 223 :
Nonobstant les dispositions de l’article 406 concernant la fonction de Receveur, les attributions des services administratifs locaux sont déterminées par Décision du Conseil de la Collectivité, sur proposition de l’exécutif, après approbation de l’autorité de tutelle.
Le Conseil peut déléguer à l’autorité exécutive locale, pour une durée déterminée n’excédant pas la durée de son mandat, un pouvoir de modifier les attributions des services administratifs locaux. La Décision du Conseil portant délégation doit, dans ce cas, fixer les limites à l’intérieur desquelles l’autorité exécutive locale peut exercer ce pouvoir.

2 – Explications :

Faisons simple pour chacun : la gestion de l’assainissement (pré-collecte, collecte, transport, transit, tri, recyclage, transformation, curage et évacuation des eaux usées etc.) des espaces des Communes en Guinée, est exclusivement du ressort et de la responsabilité de chaque commune et en rien elle (sa gestion) n’incombe à l’État au niveau central, à partir du moment où cette compétence leur est vertement transférée (article 29 CCL) et qu’ils ont surtout la compétence, l’autonomie et la capacité institutionnelle, technique et financière de créer des Services Publics Locaux (articles 222 et suivants) : Agence Communale de l’Assainissement – ACA ou Service Public de l’Assainissement – SPA, plus loin de les payer.

3 – De la rémunération du personnel communal chargé de l’assainissement :

Chacun de nous reconnaît clairement que dans son village natal, des personnes travaillant pour la commune et se faisant appelées « contractuels » existent. Ils sont recrutés, formées, équipés et payés au moyen des ressources financières transférées de l’État vers la collectivité (cf subvention, 40% fonctionnement et 60% investissements), de la Contribution Volontaire Citoyenne (CVC) des fils ressortissants vivant sur le territoire de la collectivité ou de la diaspora et des ressources propres issues des taxes de tous genres que l’État les confère de collecter : taxes de marché (quotidien ou hebdomadaire), de la salubrité publique, recettes partagées, taxe d’abattage, CFU (Contribution Foncière Unique), TP (Taxe Professionnelle) et même récemment sur les antennes/pylônes des compagnies de téléphonie etc. Chacune des taxes susmentionnées est censé reversé un certain pourcentage à la collectivité pour entretenir et/ou pérenniser les services de l’Agence Communale de l’Assainissement – ACA ou Service Public de l’Assainissement – SPA ou de tout autre Service Public sous la responsabilité de la collectivité et qui touche l’intérêt général de la population.

Cet aspect est régi et encadré à travers l’outil dénommé : Fonction Publique Locale (FPL). Les conseillers communaux (Maires et Adjoints) ont la latitude de recruter localement, former, équiper, voire faire signer des contrats de performance à des personnes sur le territoire de la collectivité qui formeront un service public communal et dont la durée d’exercice ne devra pas excéder la durée de leur mandat – pour s’occuper de certains aspects de la vie de la collectivité pour offrir un cadre de vie assaini, sécurisé, et garanti aux populations du territoire communal.

Qu’est-ce-que l’État est censé faire d’URGENCE aujourd’hui ?
A titre de mesure immédiate pour résoudre en cette période de grandes pluies, l’épineuse question de l’assainissement dans le Grand Conakry (Coyah et Dubréka compris) au moins, une recommandation pour un dégèle circonstanciel « lier exclusivement aux intempéries de la saison » et un budget ne dépassant pas €50.000 par commune est partagée.

En définitive, faire assainir les territoires, nettoyer les places des collectivités locales par les ministères ou directions à la place des principaux concernés (les communes), sauf si l’action est purement citoyenne et d’appoint est à juste proscrire.

Mamadou Aliou BARRY

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